Élisabeth LIBSIG, sur son vélo, avec ses anges
« La voiture ? C’était un outil pour l’homme. Et puis, il y avait la question financière. » Alors, depuis toujours à deux roues, Élisabeth LIBSIG est le symbole huninguois de l’énergie durable.
Et un coup de pédale pour saint Joseph, et un coup de pédale pour la vierge Marie qui, là-haut, veillent tous deux sur Élisabeth, 79 printemps en avril. Et n’imaginez surtout pas que nos deux saints se tournent les pouces. Car veiller sur Élisabeth Libsig est un travail à plein temps tant cette Huninguoise a la bougeotte.
« On m’a déjà dit que j’ai bien dû faire le tour du monde à vélo » avance-t-elle avec le sourire. Quelques milliers de kilomètres en tout cas et sans la moindre chute, sans le moindre bobo. « Je me suis bien fracturé le col du fémur. Mais ce jour-là j’étais à pied. » À pied ! Et donc, comme entendu, ça compte pour du beurre.
Pas de bobo à vélo et pourtant, elle ne l’aurait pas volé dans ses sorties tous temps, sur des itinéraires enneigés, des accès à dégager, des routes à monter et à redescendre au plus vite – et gare à la glisse !- pour répondre au service.
C’était à la fin des années soixante, suite au départ des sœurs garde-malades. Engagée en 1976 comme aide ménagère, Élisabeth pédalait et pédalait encore. De bon matin sur les routes et jusqu’au soir pour la toilette des personnes âgées ou malades, leur lessive, leur petit déjeuner… « Comme j’avais travaillé dans les années cinquante à l’hôpital Saint-Morand à Altkirch et au Hasenrain à Mulhouse, je m’y connaissais. Et ce sont les plus beaux souvenirs que j’ai gardés. C’est magnifique de porter ainsi secours. »
Pendant 20 ans Élisabeth pédala ainsi, de Bourgfelden à Neuweg via le quartier Wallart à Saint-Louis, entre deux malades comme une… malade, avec un retour à midi sur Huningue. Fallait bien popoter en plus pour sa petite famille de sept personnes.
Dans sa tournée, elle avoue quand même avoir joué les trompe-la-mort. C’était sur les hauts de Bourgfelden, « un coin dangereux que je ne connaissais pas ».
Et on ne sait toujours pas qui, du routier figé au volant de son camion ou d’Élisabeth paralysée à son guidon, eut le plus peur ce jour-là. Mais saint Christophe devait être assis sur son porte-bagages. À moins que Joseph ou Marie…
Aujourd’hui, Élisabeth pédale toujours. Et son vélo pourrait rouler tout seul tant il connaît la route.
Il y a, immuable, le mardi, la messe à Saint-Charles de Bourgfelden « en guise de reconnaissance pour le travail donné, car j’avais besoin de travailler » ; celle du mercredi à Notre-Dame de la Paix à Saint-Louis « en souvenir de mes visites au quartier Wallart » et le crochet, le soir, par le Christ-Roi de Huningue « pour le ménage » ; il y a, le jeudi, la visite à Neuweg, « pour mon mari »; et le vendredi, la messe à Saint-Louis de Saint-Louis « car un petit fils s’appelle Ludovic et il ne faut pas sous-estimer les saints patrons ». Et puis il y a les courses jusqu’à Saint-Louis « pour le plaisir des rencontres, les nouvelles de la ville : c’est important de rester en contact avec les gens. » Et encore la montée à la clinique « pour porter aux malades la sainte-communion avec l’aumônerie des Trois Frontières. Je dialogue avec différentes confessions : les gens sont réceptifs dans la douleur . » Et il y a… « Aux beaux jours, je pédale jusqu’à Rosenau pour suivre le curé de Huningue dans sa messe dominicale. »
Et le vélo tient toujours. Enfin, ce vélo, car les gens, la vie… « On m’en a volé au moins quatre. Sans compter les sabotages, les pneus crevés. Pour les réparations, c’est mon fils Laurent qui s’y collait toujours. »
Alors même si elle demande à son ange gardien de bien le surveiller, son vélo – un cadeau de la famille pour ses 70 ans – elle le monte dans sa chambre et dort avec.
Même si elle le trouve un peu lourd. « Mais il a des pneus larges pour circuler tous terrains. »
Et un coup de pédale pour saint Joseph et un coup de pédale pour…