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Rencontres avec les Huninguois[es]

Denise LACH, la dentellière de l’écriture

« Je joue avec le tissage, avec les lettres. J’en recherche l’équilibre, les contrastes entre masse et légèreté » explique la Huninguoise Denise Lach qui vit en pays de l’Écriture et enseigne la conception scripturale et la calligraphie. À la Schule für Gestaltung de Bâle et de par le monde !

Ne pas s’en tenir au pied de la lettre ! Mais l’interroger, la comprendre, la provoquer, la flatter, la mettre sens dessus dessous pour en exacerber l’esprit, en percer toutes ses possibilités et la tisser finalement dans des textures offertes comme autant de jeux d’écriture et de fééries de dentelles.

La force du trait, le rythme, l’alternance des lignes multiformes, la densité des textures… Tout un travail de créativité, de fantaisie conçu sur le principe d’une trame et réclamant discipline et concentration.

Au spectacle de ses œuvres d’encre, on pense aussi au « noir-lumière » de l’artiste Pierre SoulageS, ses peintures noires d’où surgit mystérieusement la lumière.
« J’ai un autre maître, l’Espagnol Eduardo Chillida complète la Huninguoise Denise Lach qui précise : tout cela n’est pas un hobby mais bien mon travail. »

« Dès la première heure j’ai su que là était ma voie »
Fille de Charles Geng (qui était pâtissier de la rue Abbatucci) et d’une mère suisse (d’où des études en Helvétie), notre artiste doit aux hasards ou opportunités de la vie, une formation dans le dessin industriel à Zoug suivie d’un travail dans des bureaux d’ingénieur à Zurich et Bâle et puis…

Et puis une affiche écrite à la main à Bâle proposant un stage… Une rencontre vécue comme un coup de foudre pour l’écriture.

« Dès la première heure j’ai su que là était ma véritable voie ; la révélation à ce moment-là d’un tel potentiel en attente. Et la soif d’apprendre… J’ai suivi des cours, j’ai pioché partout, rencontré des paléographes, des enlumineurs qui ont permis mon évolution ; je suis diplômée en estampe, lithographie, eau-forte, sérigraphie, la seule technique d’impression à l’endroit…»

Denise Lach qui donne des cours de conception scripturale et de sérigraphie se sent concernée par tout ce qui touche l’écrit. « Mais ma spécialité, c’est l’écriture manuscrite. Je joue avec le tissage, avec les lettres dans un jeu de dentelles, cherche l’équilibre, le jeu de contrastes entre masse et légèreté ; c’est mon travail, ça ; mais aussi je recherche comment tout cela réagit avec d’autres supports, d’autres outils. »

Les plumes métalliques, les calames et bambous, les pinceaux, plumes d’oie, le tire-ligne, cola-pen, cure-dents, les brosses et pipettes… Tout est bon pour explorer, satisfaire sa curiosité.
« Je pars d’un texte, habité par une vérité qui m’est propre. Mais je peux aussi m’en libérer dans ma recherche de l’esthétique. »

Reste une question : peut-on vivre de son art ?

« Je ne sais pas. J’ai des amis qui galèrent. Alors, je ne sais pas. Si je ne devais vivre que de mes expos et de mes ouvrages ? Moi j’ai l’énorme privilège de ne pas en dépendre ».

Si Denise Lach enseigne à la Schule für Gestaltung (école des arts appliqués) à Bâle, elle est aussi une figure reconnue dans son domaine. On trouve ses ouvrages au British Museum de Londres, à la galerie Beyeler à Riehen, au centre Pompidou à Paris… Elle anime des stages et des séminaires (cette année à Bruges, Bordeaux, au Tessin, à Hambourg) pour un public pointu, comme ses plumes, composé d’associations de calligraphes, d’élèves des écoles d’art ou plus large, comme son gros peigne en bois, un public divers dont un auditoire, un jour, en prison ; elle tient des expositions, on l’annonce cette année notamment à Buhl et à Grignan, au pays de Madame de Sévigné, autre amoureuse d’autres lettres…

« J’aurais aimé un travail de sensibilisation sur les possibilités de l’écriture »
Et sa ville, Huningue ? Perce alors comme un regret : « que l’on n’utilise pas le potentiel sur place. J’aurais aimé par exemple un travail de sensibilisation sur ce qui est possible au niveau de l’écrit. Mais à Huningue personne n’est au courant car cela n’intéresse personne » ajoute-t-elle un rien désabusée.

On la rassure : un Tomi Ungerer aura dû attendre d’être célébré aux États-Unis avant d’être reconnu chez lui, en Alsace, et d’avoir son musée à Strasbourg.

Denise Lach elle se dit déjà « heureuse de vivre dans le vivier artistique et culturel de Bâle ».

Jean-Louis Mossière

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