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Rencontres avec les Huninguois[es]

Vauban : Huningue, une histoire d’amour

Quand Sébastien Le Prestre tombe son habit de maréchal et se livre à quelques confidences…
Marquis de Vauban, maréchal de France, monsieur l’ingénieur militaire ou commissaire général Sébastien Le Prestre… Comment faut-il vous appeler ?

–  » Appelez-moi donc Sébastien tout simplement. J’ai toujours été très proche du peuple, un peu La France Insoumise avant l’heure , hi, hi… Rappelez vous mon idée révolutionnaire d’un impôt universel et équitable, ce projet de dîme royale qui me valut la disgrâce du roi.  »

– Alors, va pour Sébastien ! Durant votre carrière, vous avez consolidé pas moins de 300 citadelles, construit 33 nouvelles places-fortes, corrigé des rivières, réalisé d’improbables canalisations souterraines, aqueducs… Bref, d’où vous vient cette maîtrise de l’adduction d’eau et à quand remonte cette addiction à la création des forteresses un peu partout en France ?

–  » À ma prime enfance sans doute. Ma famille avait l’habitude d’aller en vacances au bord de l’océan, à Saint-Michel-Chef-Chef . Un ami de père, un membre de la Haute y possédait un petit pied-à-terre, une… plaisanterie d’une vingtaine de chambres qu’il nous ouvrait chaque été lors du festival international de menuets. L’ami, sourd comme un pot, ne s’intéressait pas à la bagatelle. Et entre deux pas de danse, père allait à la pêche aux moules moules moules – vous me comprenez, hi, hi ! – et m’envoyait avec ma nounou faire des châteaux de sable. C’est là que j’ai pris goût à dessiner des forteresses, développé mes idées de remparts et de fossés en étoile et créé des canaux, tout un ensemble que je testais face à la montée des eaux. »

– D’où cette orientation vers la voie royale de l’architecture de guerre et la carrière militaire ?

–  » Ouais… Ça n’a pas été si facile. Père voulait que je fasse informatique : il trouvait que j’étais un vrai petit ordinateur. J’étais bon en calcul mental, habile à me servir d’une toise et j’avais le compas dans l’œil.  »

 » J’ai été un frondeur « 
– Bref une tête bien faite qu’allait vite apprécier le roi.

–  » Là encore tout n’est pas si simple. J’ai eu… euh… disons une crise d’adolescence. Ma période de frondeur, hi, hi, dans le parti du prince de Condé avant d’être récupéré par la mouvance cardinal Mazarin.  »

– Et s’ouvre alors pour vous ce job d’ingénieur militaire. Et pendant plus de cinquante ans ! Un C.D.I. qui ferait rêver aujourd’hui… La sécurité de l’emploi.

–  » Une vie de patachon, oui ! Constamment en missions par monts et par vaux pour Louis XIV ; une vie de représentant de parapluies ! Je ne voyais que rarement mon épouse. Oui, Jeanne, ma chère Jeanne ne voyait rien venir, hi, hi !  »

– Parmi toutes vos forteresses, Sébastien, laquelle trouve une place forte dans votre cœur ?

–  » Huningue, assurément ! C’était mon jardin secret. Et je lui dois mes derniers… émois, hi, hi. C’est là que sur le tard, passée la soixantaine, j’ai connu ce que vous appelez le démon de midi. Et vous n’avez pas tellement tort quand vous me rêvez jardinier. »

– Racontez moi ça, Sébastien.

 » Elle s’appelait Capucine « 
–  » D’abord, père fut surtout un agriculteur qui introduisit la greffe des arbres fruitiers dans sa région. Et les chiens ne font pas des chats. J’ai toujours aimé les fleurs. Les fleurs et les fruits, hi, hi. Et encore plus au soir de ma vie ! La faute pour beaucoup à Capucine. Oui, une jolie fleur qui s’appelait Capucine, une fille bien charpentée et qui, curieusement, s’intéressait à l’architecture militaire. »

– Une…Capucine ? De Huningue ? Mais encore…

–  » Dites, c’est la presse du cœur ou quoi votre journal Passerelle(s) ? Bon, mais alors entre nous… Elle était blanchisseuse. Je l’avais connue lors de la guerre de Dévolution, en 1667, en Flandre occidentale. Ça pétait du tonnerre de dieu et j’avais reçu un méchant coup de mousquet à la joue. Voyez, la marque, là ! C’est elle qui m’a soigné et on a sympathisés. Elle disait qu’elle aimait bien mes jeux de construction. Mon gentil balafré, qu’elle m’appelait. Et puis les campagnes, Belfort, Landau, Phalsbourg, la gloire qui m’appelle…. Bref, on s’est perdus de vue. Et voilà que je la retrouve à laver mes liquettes à Huningue.  »

– Et j’imagine que Sébastien avec son bâton de maréchal aura su encore éblouir la jolie blanchisseuse.

–  » Disons que de 1679 à 1682, j’ai vécu des moments idylliques avec Capucine. Je venais incognito à Huningue. Pas en scooter, non, ni sous un casque, hi,hi, mais en carrosse à vitres teintées  »

– Ouais… Les historiens s’accordent à vous reconnaître 5 ou 6 enfants illégitimes. Peut-on imaginer un illustre inconnu huninguois qui un jour demanderait une recherche ADN ?

–  » Permettez, permettez… C’est là mon jardin secret. Une histoire perso que vous ne retrouverez pas dans vos livres d’écoliers. Que même votre fin limier de l’histoire, Paul-Bernard Munch ne saurait retrouver.  »

– Un dossier donc classé Secret d’Etat ou Confidentiel Défense, pas vrai, Séb ?

–  » Disons plutôt Paix des Ménages.  »

Propos (presque imaginaires) recueillis par Jeanlou

Jean-Louis Mossière

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